Retour au calme après la tempête. Benjamin venait de loin mais il avait encore assez de puissance pour secouer la forêt. Pas assez pour balayer les couleurs d’octobre. Le calme est revenu mais le ruisseau gronde, les oiseaux ont le vol agité et les chats restent en mode haute vigilance.
Ce matin, la lune promet une belle journée en forêt de Darney. Bientôt, le petit croissant de lumière s’effacera dans la noirceur et les nuages mais aujourd’hui il annonce les plus belles, les plus chaudes des couleurs.
Encore une journée d’activité intense pour les jardiniers… et pour les chats qui chassent la taupe parmi les asters, les oiseaux dans le pommier de l’Himalaya.
Il a suffi de quelques mois d’abandon pour que la forêt reprenne le pouvoir. Les hostas, les bruyères, les azalées, les skimmias, plantés le long du petit sentier du sous-bois étouffent dans une jungle d’arbrisseaux : charmes, hêtres, chênes, épicéas et acacias.
Grand chantier de l’été : défricher, élaguer et retrouver le ruisseau devenu inaccessible sous la broussaille. Résultat : des montagnes de branchages à recycler car il n’est pas question de les brûler en bordure de forêt. Ainsi s’imposa la solution d’ériger « la grande muraille », rempart contre l’invasion des jeunes pousses de la forêt…
…une construction qui passionne les chats. C’est tellement bon d’observer les humains qui se fatiguent en fabriquant de nouveaux terrains de jeux.
Durant de longs mois de deuil et d’abandon, la forêt a tenté de reprendre possession du jardin. Les taupes et les campagnoles amphibies aussi. Les graminées et les fleurs sauvages ont envahi le potager pour le grand bonheur des mésanges, des fauvettes et des chardonnerets, plus mélodieux que jamais. Plus qu’une petite semaine pour terminer le grand nettoyage et rendre au jardin ses lignes et ses couleurs.
Work in progress : un Hostas Crescent dont le dessin demande encore à affirmer le tracé…
Première assistante jardinière, satisfaite du défrichage de sa plate-bande préférée : le rouge lui va si bien.
Le chat peut toujours espérer, elles ne se laisseront pas prendre. La force de l’équipe et la stratégie de la diversion l’emporteront toujours sur la patience et l’obstination du chat à l’affût. Au premier mouvement de patte, le ballet asynchronisé des grenouilles lui fait perdre la tête. Moralité : impossible de chasser vingt lièvres à la fois.
Les uns sont déjà en train de préparer la « fête de la grenouille ». Au menu : « cuisses de grenouilles à volonté ». Un festin alimenté par les cuisses congelées en provenance d’eaux saumâtres d’Indonésie pour la plupart, puisque l’espèce est protégée dans l’Union européenne.
Les autres se lèvent tôt pour édifier des crapaudromes, des voies de circulation protégées, car combien d’automobilistes ralentissent-ils en voyant des panneaux d’alerte de traversées de batraciens ?
Les uns se gavent, les autres jouent les colibris.
La mare aux grenouilles alimentée d’une source tiède, envahie de menthe aquatique, protégée par un rideau de bambous Fargesia
Chez nous, crapauds et grenouilles migrent tranquillement de la mare à l’étang, du bassin au ruisseau sans autre risque que de rencontrer le héron ou le chat. Le héron arrive peut-être à en picorer dans l’étang. Le chat rentre toujours bredouille.
Et bientôt, ce sera le beau spectacle des grenouilles prenant le soleil sur leur feuille de nénuphar, happant moustiques et moucherons.
Près de 3000 tonnes de cuisses de grenouilles vont encore débarquer en France cette année, selon la Direction générale de l’alimentation. La plupart d’Indonésie alors que « l’Inde et le Bangladesh étaient les principaux fournisseurs de la France dans les années 1980-1990, jusqu’à ce qu’ils décident d’arrêter l’exportation à cause de l’effondrement des populations et des effets dominos des captures de masse, comme la prolifération des moustiques et des ravageurs de cultures et, en conséquence, une augmentation de l’utilisation des pesticides ».
Cette année encore, nous avons entendu l’appel de la Ligue de protection des oiseaux à compter les oiseaux du jardin. Cette année encore, nous nous déclarons vaincus… et heureux. Mésanges bleues et charbonnières, merles et rouges-gorges, troglodytes mignons et autres espèces plus furtives volent de mangeoire en mangeoire, de la haie aux derniers fruits du pommier de l’Himalaya.
Cette année encore, nous donnons notre langue aux chats…
La méthode est pourtant claire :
Choisir un jour d’observation : samedi 27 ou dimanche 28 janvier, et un créneau d’1 heure. En cette période hivernale, privilégiez la fin de matinée ou le début d’après-midi, lorsque les températures sont un peu plus chaudes et les oiseaux plus actifs ;
Trouver un lieu d’observation : un jardin ou un balcon, à la ville ou en campagne. Un parc public peut également servir de lieu d’observation ;
Compter et noter durant 1 heure tous les oiseaux qui visitent le jardin. Afin de ne pas compter 2 fois le même oiseau, conservez au final que le nombre maximal d’oiseaux de la même espèce observés en même temps ;
Transmettre les données sur le site de l’Observatoire des oiseaux des jardins : www.oiseauxdesjardins.fr.
Jubilation d’abord. Joie enfantine de trouver au réveil le jardin tout blanc, tout lisse, éblouissant de douceur. Plaisir coupable d’enfoncer ses pas dans la neige, de laisser des traces humaines dans ce calme parfait.
Mais la nuit n’a pas été calme. Pas du tout. En remontant le sentier le long du ruisseau, je découvre que je suis les traces d’un promeneur solitaire, le renard sans doute. Puis je croise une route très fréquentée par de petites pattes qui ont creusé un tunnel sous le grillage. Plus haut, une autre route, creusée par des pattes plus grandes qui ont sauté par-dessus la clôture.
Autour de l’étang, c’était une nuit de chassés-croisés comme on n’en voit que les jours de grand départ. Des piétinements intensifs vers les rives. Des traces de pattes jointes, probablement un lièvre. Des traces à cinq « doigts »… qu’est-ce donc ?
La honte. Après dix années de vie dans la forêt, on est à peine capables de distinguer les empreintes de biches, de chevreuils et de sangliers dans la forêt. Dans le jardin qui grouille de vie, on ne connaît toujours pas nos hôtes.
Seuls les chats savent. C’est pour cela qu’ils sont si prudents.
On craignait la canicule. On a eu de grosses chaleurs. On craignait la sécheresse. Elle n’a pas duré. Protégé des cieux (pourvu que cela dure), notre coin de forêt a été généreusement arrosé par les orages, mais épargné par la grêle, et le ruisseau a repris son cours vers la Saône.
Les nénuphars se sont noyés sous la brusque montée des eaux de l’étang (300 millimètres en une seule nuit !) mais les massifs explosent de fleurs… et d’herbes folles.
Vernonia crinita ‘Mammuth’
La petite mare aux grenouilles a disparu dans une jungle de salicaires, de crocosmias, de roseaux de Chine, de verges d’or, de menthe des marais… et l’allée de chèvrefeuilles à feuilles de buis a besoin d’une taille urgente.
Solidago, Mentha aquatica, Lythrum salicaria, Crocosmias, Miscanthus sinensis Gracillimus, etc.
Nous nous préparions à la mort programmée des hortensias et des hydrangéas mais l’espoir renaît, même s’il ne s’agit probablement que d’un sursis.
Hydrangea serrata ‘Blue Bird’
A l’abri de toute cette frénésie végétale, la saison est aussi à la contemplation et aux confidences entre pattes blanches…
Petit Poutou et son confident, tout doux sous ses allures de porc-épic