Un ruisseau de rochers
ne reste que l’écume
des graminées

Entre étang et ruisseaux, vivaces, rosiers, hydrangeas…
Un ruisseau de rochers
ne reste que l’écume
des graminées
Romy Schneider filmée par Jean-Claude Brialy dans le Vittel de Charles Garnier, dansant sur l’escalier du Grand Hôtel, pédalant sous la pluie du parc thermal… je n’ai pas eu l’occasion de voir le film mais je peux l’imaginer. Les décors sont intacts et la pluie est enfin revenue sur la plaine des Vosges.
Pour le plus grand bonheur de la forêt et du jardin. Même dans le sous-bois, les rhododendrons s’épanouissent. Le ruisseau a repris son activité de torrent.
L’alchémille, plante mythique, recueille « l’eau céleste ». Le sceau de Salomon prolifère comme jamais et on imagine la vie des hexagrammes sacrés qu’il développe dans cette bonne terre humide.
J’aime la pluie. Elle a le pouvoir de transformer le jardin en une nuit. Quelques petites feuilles de bourraches à peine écloses se transforment en quelques heures en massif. Les gouttes perlent sur les feuillages des hostas et tout n’est que parfum. Après une semaine de pluie, restera à passer la débroussailleuse…
Notre petit tigre, qui est une tigresse, a dix-neuf ans ! Chaton abandonné fin juillet 2002 dans une cour d’immeuble de la rue du Buisson Saint-Louis dans le Xème arrondissement de Paris, elle fut l’héroïne d’un « Chacun cherche son chat » à l’envers. Les dames à chats du quartier s’étaient organisées pour placarder dans tous les coins des appels à la responsabilité des « maîtres » du chaton. Mais en vain. Elles ont alors lancé des appels tous azimuts pour trouver la bonne famille d’accueil. Et ce fut moi.
S’il a passé ses premières années en ville et en appartement, notre petit fauve est la preuve vivante qu’il n’y a rien de plus évident que le retour à la nature. Première nuit au jardin, première souris au matin sur le paillasson. Un retour à la nature qui est, de toute évidence aussi, gage de bonne santé.
« … une pie passe en rase-mottes dans le pré. Ou un geai. Je n’ai pas eu le temps de bien voir ce que c’était. Qu’est-ce que « voir » ? Aujourd’hui je dirais : c’est être cueilli, voilà, cueilli : quelque chose – un événement, une couleur, une force – vous fait venir à lui, comme les petits enfants prennent une marguerite par le cou, et tirent. La beauté nous décapite. »
Christian Bobin, ‘La grande vie », Gallimard
Auprès de votre arbre, vous avez été si heureux. Cher Claude, vous n’auriez pas dû le quitter des yeux. Et c’est pourtant à cet arrachement que nous devons notre bonheur d’aujourd’hui, le bonheur de vivre dans votre forêt. Votre souvenir est et restera présent dans tous les recoins du jardin. Les vannes que vous avez construites avec votre méticulosité d’ingénieur d’un temps révolu. Le vivier envahi par les herbes. Le matériel de pêche abandonné dans la grange qui nous évoque des dimanches à la campagne dignes de la Belle Epoque. Les portes que vous avez aménagées dans la clôture pour partir à la cueillette des cèpes et des girolles. Les mélodies improvisées au piano dont vous effleuriez si délicatement les touches… Et cette image, celle de votre dernière visite : assis sur le banc (que nous avons repeint en rouge, vous avez apprécié) au bout de l’étang, vous étiez mélancolique mais souriant, vous remémorant sans doute les années de travaux, d’entretien et les joyeuses parties de pêche.
Cela fait plusieurs jours que la pluie tombe en abondance. Depuis le Col des Clochettes, l’eau dévale la colline à travers les bois et entre à grand fracas dans l’étang.
Le ruisseau est passé au niveau « alerte rouge » : les chats se tiennent à carreau dans le périmètre de sécurité de la maison et on prie pour que les ligulaires, les rodgersias et les euphorbes résistent au courant.
Quand les flots se seront calmés, nous « ferons le ménage », nous éliminerons les branches cassées mais, pardon Claude, nous ne pouvons pas vous promettre de remettre chaque rocher « à sa place » comme vous le faisiez après chaque orage. Vous deviez être un Maître Zen sans le savoir. Dans cette voie de sagesse, nous vous promettons aussi de suivre votre trace.
Mais pourquoi mes fraisiers (Mount Everest) s’obstinent-ils à faire des fruits en octobre plutôt qu’en juin ? En plate-bande, en jardinière sous serre et sur tuteur, en grimpantes sur treille, rien n’y fait. Avec compost ou engrais bio spécial fraisier, la récolte printanière ou estivale reste ridicule. Mais à l’automne, ils se réveillent et ils offrent de généreuses grappes de fruits… qui n’auront jamais le temps de mûrir !
Alors nouvelle tentative : j’ai planté une longue ligne de fraisiers (encore en fleurs !) au-dessus du mur de pierres de pierres sèches en position retombante…
De petites feuilles vert tendre se dressaient au milieu des beaux feuillages noirs des dahlias Nirvana. J’ai cru à une montée d’adventices avant de réaliser que je venais d’arracher des graines germées…
…graines germées aussitôt repiquées !
J’ignore si cette méthode de reproduction est viable mais tous les espoirs sont permis. J’attends donc la naissance de beaux plants aux feuillages noirs et vigoureux, résistant à toutes les maladies.
A ne pas manquer : la belle plate-bande de sedum roses, blancs, violets.
J’exerce finalement l’un des plus beaux métiers du monde. A mon sens en tout cas. J’écris sur les plantouilles, la nature et le jardin. Et de temps à autre, on m’envoie chez un jardinier réputé pour diverses raisons.
Voilà pourquoi, je me suis retrouvé cette semaine dans le jardin d’Astrée de Stéphane Decriem alias « Asterman » à Haverskerque dans les « Hauts-de-France ».
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Eté après été, nous essayons d’adapter la sélection de nos plantes et de nos fleurs à la sécheresse. Car même en forêt, l’eau vient à manquer. Merci au Jardin botanique de Nancy, le magnifique Jardin Jean-Marie Pelt, d’offrir une riche palette végétale exposée aux mêmes aléas que ceux que nous subissons dans la plaine des Vosges. Merci de les avoir si bien étiquetées afin que le visiteur puisse s’y instruire.