Ultimatum

Les rosiers m’auraient-ils entendue ? Je les ai prévenus en les taillant (très sévèrement) à la fin de l’hiver : ce serait probablement leur dernier été. Couper et ramasser chaque matin les feuilles tachées de noir, les pulvériser tous les quinze jours contre les maladies cryptogamiques, c’est une souffrance pour la jardinière comme pour le rosier.

Et voilà qu’ils n’ont jamais été aussi généreux…

Dans les carrés du « jardin des moines », Gertrude Jekill et une inconnue d’un beau rose magenta ont retrouvé une belle santé, sans doute sous l’effet des pluies printanières.

Au pied de la maison, les rosiers arbustifs ‘Pat Austin’ reprennent de la consistance…

…ainsi que ‘Michel Serrault’. Mais les rosiers ‘Lenôtre’, ‘Queen Elizabeth’ et quelques autres commencent à donner des signes inquiétants. Alors, à moins de leur trouver un refuge, ils seront sacrifiés et remplacés par des rosiers ADR…

ADR (Anerkannte Deutsche Rose), c’est le label qui récompense les variétés les plus résistantes, les plus floribondes, les plus rustiques, sans aucun traitement préventif ou curatif. Et notre rosier ‘Bajazzo’ de Kordes démontre cette année encore que le label est bien fiable. Seul soin : soutenir les branches trop lourdement chargées de fleurs.

Mais il reste un mystère…

Comment expliquer que ces deux vieux rosiers « abandonnés » dans la rocaille sous les épicéas se portent aussi bien ? Théoriquement, ils ne devraient pas vivre là…

Qui a mangé mes sandales ?

En partant à Vittel, je les avais laissées au soleil, sur les marches du perron. A mon retour, trois heures plus tard, et toujours 30°, elles étaient sèches… mais « explosées ». L’une sous l’arche de la glycine, l’autre 25 mètres plus loin sous le pommier de l’Himalaya, et plus une seule lanière. On ne peut pas accuser les chats, bien trop raffinés. C’est alors que John m’a raconté sa « rencontre »…

Lui, sortant de l’atelier, et le renard, assis tranquillement sous le grand hêtre pleureur, curieux sans doute de notre vie de casaniers. Un long regard de plusieurs minutes et le renard a disparu comme il était venu…

https://www.livescience.com/fox-steals-100-shoes.html

Jardinières et jardiniers, mettez vos chaussures et vos gants aux abris. Une rapide recherche sur Internet affiche le Top Ten des renards voleurs de chaussures, de Berlin à Kyoto, de l’Australie à l’Angleterre, certains affichent des butins de plus d’une centaine de chaussures !

Beaucoup finissent entre les quenottes des renardeaux qui ont grand besoin de les aiguiser. Merci au Jardin botanique Jean-Marie Pelt de Nancy d’accueillir ces jolis prédateurs dans sa vallée de rhododendrons (photo d’accueil).

Le corset ou la langueur

Comme chaque année, j’ai sorti mes « cages à pivoines ». Plus assez nombreuses pour soutenir tous les éclats de division de souches qui ont pris de l’ampleur sous les pluies de ce printemps. Bien sûr, ce corsetage est pour leur bien mais elles semblent tellement heureuses de s’abandonner au soleil, au vent, à la rosée…

Championnes ou odalisques..

Languides ou sous contrôle…

Blanc Notre-Dame

La fièvre du jardinage s’est abattue sur l’Alsace-Lorraine. Les pépiniéristes de la fête des plantes de l’Abbaye d’Autrey n’avaient jamais vu cela : une noria de brouettes, poussées par les scouts en grande tenue, transportant de futurs jardins vers les parkings. Il a fallu aussi revenir aux fondamentaux : « oui, celui-là va perdre ses feuilles en automne », « attention, c’est un arbre qui va atteindre six à huit mètres ! », « celui-là pousse très lentement , trois centimètres par an »… Beaucoup plus compliqué que prévu, le jardinage! Mais la visite du jardin de l’abbaye ouvre de si belles perspectives…


L’Abbaye d’Autrey et son jardin : https://www.abbayedautrey.com


Pavots d’Orient

« La nature a horreur du vide »… Non, ce n’est pas un jardinier qui l’a énoncé, même si le jardinier le constate tous les jours. A l’abri des grands épicéas, le talus du bas du jardin était devenu un fouillis de cotonéasters, de millepertuis, de mahonias et de rosiers buissonnants. Débroussaillage, élagage et arrachage l’automne dernier. Et ce printemps, le terrain était déjà réinvesti.

Les grands pavots d’Orient se sont étalées tout le long des marches de pierre de la rocaille. Leurs grandes corolles de papier de soie qui semblent si fragiles ont résisté aux averses et aux orages et leurs hautes tiges n’ont pas flanché.

Coques des boutons après explosion
Eclosions étalées sur plusieurs semaines

Les énormes fleurs du Papaver Orientale Princesse Victoria Louise  ont un coeur d’étamines noir bleuté et de belles macules sombres à la base des pétales. Et la grande qualité de résister à tout : la sécheresse, la chaleur, le sol pauvre et, si le sol est bien drainé, la pluie et le vent.

Dracula’s kiss

Pourquoi y a-t-il si peu de femmes botanistes ? Cerveau inadapté à la rigueur scientifique, interdiction d’embarquer sur un navire d’explorateurs, bien sûr, mais encore… l’inconvenance de la discipline. Entre les « phalles impudiques » et tout le répertoire des tentations de Vénus, la botanique est un cabinet de curiosités indécentes. Le grand Carl von Linné était un pornographe infréquentable. Heureusement les inventeurs de nouvelles variétés sont restés fidèles aux traditions suggestives.

En pleine floraison dans l’exposition du Jardin botanique Jean-Marie Pelt de Nancy, ce grand iris a été bien nommé par son obtenteur, Schreiner. Pétales poupre foncé, sépales noir poupré et barbes rouge orange, ce Dracula’s kiss a une lourde parenté :  (( ‘Old Black Magic‘ x ‘Satin Satan’) x  (pollen parent of ‘Diabolique’ x ‘Black Tornado’)) X ‘Local Color‘. On comprend que l’étude de la botanique était interdite aux femmes…

Iris Neige de mai (Jardin botanique de Nancy)

Pendant des siècles, il a été inconcevable que les fleurs, symbole de pureté, soient les organes sexuels des plantes. « La folle histoire des plantes » raconte combien cette découverte est récente. Et combien elle a été difficile à accepter :

Extrait, à na pas manquer, de l’épisode 7 « Cachez ce sexe… » de La folle histoire des plantes

L’un s’éteint, l’autre s’allume

Quand un rhododendron s’endort, un autre se réveille. Les rouges et les roses se sont éteints comme le parfum des skimmias. C’est alors que le grand rhododendron violet, que nous avons trouvé bien isolé à notre arrivée, sort le grand jeu…

Plus timidement dans le sous-bois, le rhododendron blanc s’éveille lui aussi mais il faudra encore attendre pour voir ses corolles s’ouvrir et révéler les chaudes nuances de leur coeur d’or.

Et au bord du ruisseau, sous l’érable du Japon, l’azalée émerge des fougères, des hostas bleutés, des lamiers argentés, les astilbes et les podagres.