Souvenirs marins ?

Dans le Grand Nord, on les appelle « lichens des rennes » ou « mousse de caribous ». Pour moi, ils évoquent plutôt un lointain passé marin, entre algues et coraux, bleu gris comme la mer du Nord par gros temps.

Nourriture des rennes, les lichens inspirent aux scientifiques nordiques aussi des images poétiques : ils y voient des « micro-paysages » comme des « forêts de baobabs »…

Moi j’y vois des algues, des coraux, des éponges… Chaque matin, j’en ramasse comme je ramasserais des coquillages échoués sur le sable…

Au jardin nu

les jeunes herbes
entre chaque brin
miroite l’eau

Un « profond sentiment solitaire d’impermanence »… éveillé ou réveillé par le billet de Marie-Anne dédié à « Chiyo-Ni, bonzesse au jardin nu » ? Il m’a laissée en arrêt devant les jeunes pousses d’après la pluie à l’orée de la forêt…

J’ai cherché

sous les nuages de pluie
ventre gonflé
la grenouille

mais c’étaient encore des nuages d’hiver…

Merci Marie-Anne

Rouge brasier

La forêt vosgienne flambera-t-elle comme une torche australienne ? Il aura suffi d’un hiver pluvieux pour oublier le dépérissement des sapins, des hêtres ou des frênes, les scolytes, les chenilles processionnaires et autres parasites. C’est sûr qu’il y a plus urgent que la crise sanitaire qui décime la forêt…

Liquidambar ou copalme d’Amérique

La forêt flambera-t-elle ou prendra-t-elle les belles couleurs du liquidambar ? En automne 2020, l’ONF a créé un « sylvatum » à Monthureux-sur Saône, au coeur de la forêt de Darney. Une parcelle conçue comme une mosaïque d’une quarantaine d’essences variées qui se protègent les unes les autres. Parmi ces essences plus résistantes à la sécheresse : le pin maritime, le pin d’Alep, le chêne sessile, le chêne méditerranéen ou chêne vert, le cèdre de l’Atlas, le robinier faux acacia… et le liquidambar flamboyant en automne.

Des mots pour voir

Pied fuseleux ou claviforme, chapeau cireux ou floconneux, lamelles adnées ou décurrentes… je reste fascinée par la richesse du lexique des mycologues. Une invitation à ouvrir les yeux pour bien nommer. Si le mot nous manque, serait-ce que nous n’avons jamais pris le temps de regarder la beauté de la nature ?

Les Japonais ont un mot pour nommer les rayons du soleil qui se dispersent à travers les feuilles des arbres : « komorebi ».

Ils pratiquent le « Shinrinyoku », le bain de forêt, pour trouver l’harmonie et la santé au contact des arbres. Son importation se traduit évidemment par le mot beaucoup moins poétique de « sylvothérapie ».

Le plus beau, le plus émouvant, le plus sage, « wabi-sabi » : la quête de la beauté dans les imperfections de la vie, dans l’impermanence de la création, le cycle naturel de croissance et de décroissance.

En allant aux girolles…

De la mousse, de l’humidité, de la douceur et cette « balise » lumineuse née d’un pin fraîchement brisé… la cueillette des girolles ne pouvait qu’être miraculeuse.

Rouges et ors

Passons passons puisque tout passe

Je me retournerai souvent

Les souvenirs sont cors de chasse

Dont meurt le bruit parmi le vent

Guillaume Apollinaire

La plaine des Vosges a déjà pris les couleurs flamboyantes de l’automne. Dans notre jardin placé sous la protection de la forêt, les hêtres et les érables du jardin en sont encore aux premiers ors. Comme un cadre pour les rouges et les pourpres de la vigne vierge…

Bleu forêt

Ceci n’est pas une pub pour une estimable marque vosgienne mais un écho au bel article de Tout l’opéra (ou presque) dédié aux notes bleues. Entre Rachmaninov et Miles Davis, Jean-Louis évoque Rimbaud et son sonnet des « Voyelles » :

 « O, suprême Clairon plein des strideurs étranges »

Je n’avais jamais été convaincue par cette association du O et du bleu. Jusqu’à ce silence qui a suivi le « Blues » de Ravel. Silence rompu par le « suprême clairon » du brame, tout près dans la forêt…

Campanules sauvages dans l’ombre du sous-bois

Le magnifique cerf de la photo a bramé sur le blog aux mille oiseaux et animaux des bois Palette de couleurs .

Plein les bottes !

Orage et désolation. Hier soir, la grêle s’est abattue deux heures durant sur notre forêt et notre jardin. Les iris se sont retrouvés en guenilles, les oiseaux se sont tus. Et l’équipement du jardinier ne peut résister à un tel déluge…

Le réveil du grand hêtre

C’était entre deux sommeils, par une « Nuit de France Culture ». Une naturaliste racontait sa nostalgie d’un pays où l’on donne un nom aux arbres. Un petit nom comme on en choisit pour les chiens et les chats. Elle parlait de la Chine… ou plutôt du Japon ? L’émission touchait à sa fin et je n’étais qu’à moitié éveillée…

…mais depuis cette nuit d’insomnie, la question est bien nette : pourquoi ne donnons-nous pas un nom à nos arbres ? Sommes-nous à ce point déconnectés de la nature ? La faute à Descartes sans doute…

Au petit matin du 10 mai sous la pluie
Le grand hêtre pleureur, notre monument de verdure, entouré de ses petits sujets : érable du Japon, skimmias et rhododendrons