Vous avez dit « cataleptique » ?

Ruban de bergère » (Phalaris arundinacea), « Cuisse de nymphe émue » (rosier ancien), « Dame de onze heures » (Ornithogalum umbellatum)… la créativité lexicale des botanistes n’a pas de limites. Mais elle est parfois difficile à suivre. Pourquoi qualifier de « cataleptiques » ces jolies hampes de clochettes plus doctement appelées « Physostegia de Virginie ».

Elles n’ont pas de pouvoir paralysant. Non, ce serait à ces clochettes qu’elles doivent la dénomination de « cataleptiques » : si on les presse légèrement, elles restent un temps figées dans la même position. Pas très spectaculaire…

En revanche, la floraison du Physostegia de Virginie est généreuse et la plante est beaucoup plus adaptable qu’annoncé. On la présente comme une plante plutôt humifère mais elle a très bien résisté à la canicule en terrain peu arrosé.

A la croisée des saisons

Par un curieux mimétisme, deux espèces de fleurs totalement étrangères l’une à l’autre se passent le relais de la floraison. ‘Annabelle’, hydrangea arborescent aux généreuses boules de pétales blancs, commence à faner, virant doucement au vert. Au même rythme, les orpins, qui appartiennent à la famille des plantes succulentes, vont bientôt voir leurs fleurs en boutons verts passer au rose. Les orpins ou sedum spectabile sont encore appelés sedum d’automne.

Hydrangea ‘Annabelle’ et sedum spectabile

Résilience

Une nuit de pluie — inespérée — et la vie renaît. Une brume matinale s’étire à l’orée de la forêt. Les grenouilles qui se faisaient silencieuses lâchent quelques timides coassements. Le martin-pêcheur ne sait plus où donner du bec. Les pics redoublent d’activité… et le héron refuse toujours de se laisser photographier.

Orée de forêt entre Vittel et Darney

La pelouse commence déjà à reverdir et des plantes qu’on croyait moribondes se redressent. Mais le rebond le plus glorieux est celui des rosiers (à condition de ne pas regarder le feuillage).

Rosier Queen Elisabeth ?
Rosier grimpant André LeNôtre

Graines de jardin en mouvement

Supprimer les fleurs fanées ne signifie pas seulement supprimer les souillures, cela signifie supprimer les fruits, donc les graines. Or, c’est précisément dans les graines que se trouve l’essentiel du message biologique, celui qui génère un ordre dynamique, porteur de jardins inconnus.

Gilles Clément, « Le jardin en mouvement »

Où feront-elles des fleurs l’an prochain, toutes ces graines ? Il y a celles qui, comme d’habitude, s’installeront là où il ne faudrait pas : les roses trémières, toujours en bordure de massif alors qu’on voudrait voir émerger leurs hautes hampes fleuries en arrière-plan, là où elles cacheraient leur feuillage si tôt flétri.

Il y a les vagabondes, comme les angéliques qui ont déménagé du haut au bas du jardin cette année. Il y a celles, comme les nigelles de Damas, qui ont l’art de s’installer en belle harmonie de proportions avec les plantes et arbustes qui ont su arrêter ou intercepter l’envol de leurs graines.

Il y a celles qui ne fleurissent pas comme on l’attendait, comme les lychnis ‘Croix de Malte’ qu’on espérait blancs et qui fleurissent en vermillon… ou les valérianes qu’on espérait roses et qui fleurissent en blanc…

Il y a les invasives, comme les coquelourdes, et celles qui essaiment à tout va et c’est tant mieux : les ancolies, premières fleurs à donner du relief au jardin au printemps sont bienvenues partout, les sceaux de Salomon, les euphorbes… alors respect pour les hampes séchées et leur précieux contenu.

Il y a les têtes de fleurs d’ail, les fruits des pavots d’Orient qui, avant de libérer leurs semences, imposent leur présence graphique et gracieuse.

Regretté Victor…

« C’est une triste chose de songer que la Nature parle et que le genre humain ne l’écoute pas. »

Victor Hugo, « Carnets », 1870

Hortensias trentenaires placés sous haute protection en attendant qu’une couverture végétale s’installe… et les aide à résiste aux prochains étés…

Cette couleur qui « n’entre jamais en guerre »

Chère Marceline Desbordes-Valmore, vous m’avez pris le cœur à la Gare du Nord. … Votre poème* avait fait disparaître Paris et le monde. … La grâce de vos images jetait sur mon visage des reflets de rivière. Et ce rose, ce rose ! Mon dieu comme c’était beau – d’une beauté de noisetier, de soleil dans ses limbes. Si je vous vois en rose, c’est parce que cette couleur n’entre jamais en guerre et semble au bord de défaillir dans l’invisible.

* Rêve intermittent d’une nuit triste

Christian Bobin, « La grande vie ».

Hydrangea arborescens ‘Invincibelle’ et persicaria amplexicaulis pourpres

Toujours frais !

A voir ses grandes feuilles charnues, ce vert tendre comme celui de jeunes pousses printanières, on n’imaginerait pas que cet hosta puisse survivre à la canicule. Tout aussi étonnantes, ses grandes fleurs blanches se sont épanouies et tiennent le choc des 35° depuis plusieurs jours.

C’est sûr qu’elles dureront plus longtemps à la mi-ombre des hydrangéas mais, même au soleil, elles se tiennent bien. Autant dire qu’elles seront les premières à donner des boutures…

L’Hosta plantaginea grandiflora exhale un délicieux parfum, entre fleur d’oranger et fleur de lis. Mais ce n’est pas pour cette raison que les Anglais l’appellent « lis plantain ». C’est la forme de ses feuilles aux nervures parallèles qui rappelle le plantain, herbe sauvage aux multiples vertus, hormis la prestance et la fragrance.

« La forêt chantait, le soleil brillait… »

Il était six heures du matin. Pas un nuage, pas une trace d’avion dans le ciel, juste les derniers éclats d’un quartier de lune . Une légère brise avant la chaleur. Au ras de l’étang, soudain j’ai vu un éclair bleu et or, un large cercle éblouissant à la surface de l’eau… et le martin-pêcheur s’est envolé dans la forêt. Emergeant des feuilles de nénuphars, une famille de colverts a traversé l’étang avant de se cacher entre les graminées. « La forêt chantait, le soleil brillait… je regardais le bleu du ciel et j’étais bien ».

Il était cinq heures du matin
On avançait dans les marais
Couverts de brume
J’avais mon fusil dans les mains
Un passereau prenait au loin
De l’altitude
Les chiens pressés marchaient devant
Dans les roseaux

Par dessus l’étang
Soudain j’ai vu
Passer les oies sauvages
Elles s’en allaient
Vers le midi
La Méditerranée

Un vol de perdreaux
Par dessus les champs
Montait dans les nuages
La forêt chantait
Le soleil brillait
Au bout des marécages

Avec mon fusil dans les mains
Au fond de moi je me sentais
Un peu coupable
Alors je suis parti tout seul
J’ai emmené mon épagneul
En promenade
Je regardais
Le bleu du ciel
Et j’étais bien

Et tous ces oiseaux
Qui étaient si bien
Là-haut dans les nuages
J’aurais bien aimé les accompagner
Au bout de leur voyage

Michel Delpech, « Le chasseur »

Qui a tué les frelons ?

Ce matin, j’ai trouvé des écailles duveteuses, comme de grands pétales de papier buvard subtilement striées. Elles étaient éparpillées sur l’herbe entre l’étang et le ruisseau, à proximité de deux orifices nettement, proprement excavés.

Les écailles, ça ne fait pas de doute, ce sont les lambeaux d’un nid de frelons. Nous avions trouvé, il y a deux ans déjà, un nid abandonné dans notre grenier. J’avais « monté » les plus belles écailles en un « tableau-relief » qui atteste de la solidité de la construction car elle ne s’est pas désagrégée depuis. La photo ne rend malheureusement pas la richesse des nuances des veines de ces lamelles, du blanc à l’ocre foncé avec de surprenants filons bleus et verts.

Ecailles de nid de frelons

Mais cette fois, il s’agissait d’un nid enterré. Qui donc a pu déloger la colonie de frelons ? Ce pourrait-il être le travail des campagnols amphibies, qui agissent et sévissent intensivement sur cette partie du jardin ? A en croire des sites mieux informés que nous, il s’agirait plutôt de l’oeuvre de rapaces : de bondrées apivores, que nous aurions confondues avec de « banales » buses. Elles patrouillent toujours en couple, ce qui expliquerait les deux trous dans la pelouse, comme si les frelons étaient piégés à chaque sortie…

Bondrée apivore en action. Source : Claude Benech

La bondrée apivore serait le seul prédateur du frelon asiatique. Ce rapace migrateur venu du nord de l’Europe passe en France sa période de reproduction, de mai à fin août, avant de migrer vers l’Afrique.

Petits ‘Nirvana’

Je les ai choisis pour leur beau feuillage noir et leurs fleurs rose violet en forme de fleur d’orchidée. Aussi florifères que mellifères, les dahlias ‘Nirvana’ se révèlent aussi particulièrement résistants à la chaleur et à la sécheresse. Et, bonne surprise l’automne dernier, leurs graines ont germé sur tige dans le bouton à peine fané.

Première expérience de repiquage réussie : de graines en plantules hivernées dans la serre (non chauffée), j’ai planté les petits ‘Nirvana’ en bordure de massif. Et ils ont fleuri, un peu plus pâle et plus rose que l’original, avec un feuillage plus vert que noir mais avec la même belle santé.

‘Nirvana’ labellisé est haut de 1 mètre, sa progéniture n’atteint que 40 cm mais leur croissance n’est peut-être pas finie…