Petit matin pluvieux, rhododendrons heureux

La pluie, enfin ! Deuxième nuit d’une pluie soutenue et le jardin se réveille plein d’énergie dans la fraîcheur d’un jardin anglais. Seuls les iris ont l’air chiffonné. Les rosiers, les hydrangéas, les vivaces se développent à vue d’oeil et les rhododendrons soupirent d’aise…

Et le petit dernier : planté il y a trois semaines, un petit rhododendron blanc offre sa première fleur au milieu des myosotis.

« Là où chantent les écrevisses »

Par un étrange dérèglement des sens et de la mémoire, « La pastorale américaine » de Philip Roth peut me replonger dans le silence de matins enneigés sur les hauteurs des Vosges et dans l’odeur du feu de bois. Etrange, Philippe Claudel et « Les âmes grises » réveillent, comme si je l’avais lu hier, ce sentiment de sécurité qu’on ne trouve qu’en compagnie d’une âme sœur, à l’abri d’une réalité peu fraternelle. Les bons livres s’incrustent en nous, à jamais associés à des émotions mêlées d’embruns de mer du Nord ou de parfums de Bagatelle. Et je sais quel livre je rouvrirai pour revivre l’intensité de cet incroyable printemps 2020.

Printemps 2020 vécu intensément sous un ciel limpide, confinés dans notre forêt à l’affût des pics et du coucou, des colverts aux visites trop brèves, du héron toujours aussi insultant pour les « occupants » que nous sommes. En joie à l’envol des nichées de bergeronnettes, de mésanges, de grives, de merles et de rouges-queues. Inquiets des apparitions des geais, du milan et d’une pie grièche à tête rousse. En attente du retour du martin-pêcheur alors que les grenouilles se prélassent déjà sur les pierres chaudes à l’abri des fougères et des graminées…

Et dans la magnifique prison de notre forêt, une rencontre inespérée : la Fille de marais « où chantent les écrevisses ». Un roman d’initiation à la nature et à la solitude. Le récit d’une vie dans la nature sauvage de la Caroline du Nord, côte marécageuse peuplée de grands oiseaux de mer. Une vie terrifiante et fascinante, racontée dans une belle langue (hommages au traducteur !) par une scientifique amoureuse des mots autant que de la faune et de la flore. Délia Owens est biologiste et zoologue.

Plan canicule 2020 (5)

On s’en doutait, mais tout de même… 45 jours de soleil radieux, 45 jours de sécheresse sur les Vosges ! Les préparatifs pour affronter une nouvelle canicule ont commencé dès l’été dernier en multipliant les coins ombragés mais la terre est terriblement sèche et nous ne sommes qu’en avril.

Oyas « faits maison ».

J’ai suivi les conseils de Ben qui rappelle la technique ancestrale des oyas et les économies d’eau qu’elle permet. L’eau que l’on verse dans le pot enterré se diffuse très lentement à travers la terre cuite dans la profondeur du sol. Je l’ai adaptée façon « récup » en collant ensemble deux pots en terre cuite.

Pas toujours évident à enterrer dans un terrain riche en gros cailloux mais les premiers résultats sont encourageants. Autour des premiers oyas plantés il y a dix jours, les vivaces se développent plus vite !

Les oyas de Ben : https://autonomiejardin.com/category/arroser/

Quel est cet arbuste épineux et parfumé ?

Il vient de retrouver un beau feuillage dense à feuilles arrondies, souples et « frangées », ce n’est pas un mahonia. On l’a sévèrement taillé l’été dernier pour se préserver de ses redoutables épines, ce n’est pas un cytise. Le traitement lui a bien réussi car il a poussé dans les hauteurs du vieux lilas (3 mètres) et il s’est couvert de ses grappes de petites fleurs jaunes et parfumées. Mais on ne l’a toujours pas identifié…

Printemps en jaune et bleu

Le jaune est une couleur mal aimée. Michel Pastoureau, l’historien des couleurs, retrace sa longue déchéance depuis l’Antiquité. Couleur presque sacrée pour les Grecs et les Romains, couleur de l’immortalité pour les Celtes et les Germains, elle est associée depuis le Moyen Age aux vices du mensonge, de l’avarice, de la félonie. (« Jaune – Histoire d’une couleur », Ed. Seuil).

Caltha palustris qui revient à chaque printemps au bord du ruisseau.

Pour la jardinière que je suis, le jaune ne m’inspire aucun préjugé mais pose des problèmes d’harmonie. Le jaune, par son éclat, sa luminosité, « écrase » les concurrents, pire, il jure avec les roses et les mauves. Sauf… avec sa complémentaire à laquelle il donne encore davantage de présence. Alors pour ne pas me priver de toutes les floraisons généreuses du printemps, j’essaie de m’inspirer de Claude Monet et de sa passion pour les couleurs complémentaires.

Muscaris et tulipes jaunes
Vinca minor
Euphorbe corse et santoline Lemon Fizz
Mahonia aquifolium et forsythias
Népetas mussinii
Anemone coronaria Mr Fokker – Anémone de Caen
Pervenches panachées
Narcisses variés
Violettes sauvages dans le gravier de l’entrée

Le retour des bergeronnettes

« Compagne d’hommes innocents et paisibles, la bergeronnette semble avoir pour notre espèce ce penchant qui rapprocherait de nous la plupart des animaux, s’ils n’étaient repoussés par notre barbarie. » Buffon, « Histoire naturelle des oiseaux ».
Tapis d’ail des ours dans le sous-bois
Anémones sauvages

Quand fleurissent les anémones sauvages et que l’ail des ours tapisse le sous-bois, c’est l’heure du retour de la bergeronnette grise. L’oiseau le plus agile, le plus gracieux, le plus drôle. Aussi familier que le rouge-gorge, il s’approche de son pas de petit soldat avant de décoller à la verticale et de se lancer dans des loopings spectaculaires pour attraper les insectes.

Les bergeronnettes arrivaient en meute il y a à peine six ans. Cette année, comme l’an dernier, nous n’avons qu’un seul couple qui nous est revenu. Espérons que le grand calme qui ralentit le monde protégera une nombreuse progéniture…