Notes de musc, de vanille et peut-être d’amande…

Dans la tiédeur du soir qui tombait, je perçus à l’approche d’un ruisseau une odeur puissante et très suave. Ces effluves inconnues envahissaient l’air plus frais à cet endroit et m’emplirent de bien-être. Il y avait là un mélange entêtant de musc et de vanille, d’amande aussi peut-être, avec une acidité menue qui en allégeait le parfum. Comment la nature pouvait-elle exhaler une aussi douce fragrance ?

Juste au bord du ruisseau se dressait en évidence une masse feuillue surmontée d’un fouillis vaporeux que l’obscurité naissante rendait indéfinissable. En m’approchant, je pus caresser de mes doigts une multitude de petites fleurs groupées au sommet de longues tiges raides.

Cette expérience fondatrice, François Couplan l’a vécue dans la Vôge, pas si loin de notre jardin. Dommage que le poète-instituteur qui lui a aussitôt la clé du parfum de la reine des prés ne soit plus là. J’aurais aimé qu’il nous apprenne l’art de mettre des mots sur les senteurs, à nous qui sommes devenus aussi pauvres en vocabulaire qu’en sensorialité.

Mais c’est déjà un grand plaisir d’écouter François Couplan, ethnobotaniste parler des plantes sauvages comestibles dans Le temps d’un bivouac

Dilemmes du jardinier

Elles sont plus fortes que tout, les sauvages de la forêt. Les bugles rampantes se disputent le terrain avec les fraises sauvages. Les lysimaques ciliata Fire Cracker parviennent à émerger (elles aussi sont envahissantes) mais les saxifrages et les phlox sauront-ils s’imposer ?

Au bord de la forêt, les silènes dioïques, joliment appelées compagnons rouges et compagnons blancs se battent avec les myosotis, les primevères sauvages et les euphorbes des bois. Arracher ? éclaircir ? Laisser faire la nature, sachant que dans quelques semaines, tout cela n’aura plus du tout la même allure ?

« Et je te dis de vivre… »

Quand un cauchemar chasse

une autre cauchemar

rêve de printemps


« Un grand soleil d’hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le coeur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d’avoir un enfant »

Aragon

Where are the bluebells ?

Comme chaque printemps, John se prend un petit coup de nostalgie pour son Angleterre natale. Il semble que pour un Anglais, il n’est pas de mois de mai sans « bluebells ». Sans ces tapis de jacinthes des bois, comme des nappes de brumes bleues flottant dans les sous-bois.

Et pourtant, notre sous-bois ne manque pas de charme. Certes, il est moins romantique, mais l’ail des ours éclaire bien joliment les bords du ruisseau de nappes de brume blanche…

Il n’a pas le parfum du muguet mais il est prometteur de belles saveurs et de santé (à condition de ne pas confondre ses feuilles avec celles du muguet qui sont hautement toxiques).

Et pour faire plaisir à John et me souvenir de mes promenades en forêt de Soignes dans ma Belgique natale ou en forêt de Compiègne (de somptueuses hêtraies), le magnifique sous-bois de Hallerbos près de Bruxelles.

Hallerbos, près de Bruxelles. Photo AFP.

Quand on n’a pas de muguet…

Oublions les trois malheureux brins de muguet qui s’obstinent à survivre dans notre sous-bois. Il y a tant de jolies fleurs blanches qui illuminent les bords du ruisseau. La plus étonnante est pour moi le sceau de Salomon, cette jolie hampe aux feuilles dressées comme autant de protections de ses grelots blancs. On l’appelle aussi « faux muguet »…

Elle s’installe dans les recoins les plus inattendus, le plus souvent à l’ombre humide (sans doute est-ce pour cela qu’on l’appelle aussi « grenouillet », mais aussi sous un rosier en plein soleil.

Mais pourquoi ce nom de sceau de Salomon ? Je ne l’ai pas vérifié mais je fais confiance aux naturalistes qui ont vu (avec beaucoup d’imagination) dans ses étranges rhizomes des hexagrammes inscrits dans des cercles.