Coquecigrues

J’ai toujours aimé ce mot, sans jamais être sûre de bien en connaître le sens. Il rime avec l’incongru et sent l’insolence. Comme un coq qui se prendrait pour une grue ? Preuve de son mauvais esprit, il se laisse écrire coxigrue, coqsigrue ou, pourquoi pas, cocquecigrue.

Des coquecigrues, il y en a plein le jardin en ce bel automne : des champignons qui s’imaginent pouvoir construire une barrière de corail…

… une limace noire qui se prendrait pour une pieuvre ?

Des fraises et des framboises d’automne, des pervenches, des violettes et du basilic qui se sont habillés de fleurs pour l’hiver…

Mais pas de coqsigrue « officielle » découverte dans le dictionnaire : plante vivace de la famille des fabacées, Ononis natrix, plus connue sous le nom de bugrane jaune ou bugrane fétide.

Ononis natrix ou bugrane jaune

INPN

Quant à notre pieuvre noire, ce sont les « doigts du diable » en décomposition.  Ce « champignon-pieuvre » serait arrivé d’Australie avec les laines importées par les filatures des Vosges. A moins qu’ils n’aient été transportés par les soldats australiens et leurs chevaux sur le front de Saint-Dié-des-Vosges pendant la Première Guerre mondiale.

Automne en vert et roses

Même si l’été n’en finit pas, même si la forêt et les collines restent bien vertes, même si les rosiers s’obstinent à refleurir, le mois de novembre réveille l’écho d’Apollinaire, soumis pour l’éternité « au chef du signe de l’automne »…


« Ma vie est recueillie en ma saison factice

Et je feins d’écouter la chute des fruits mûrs

Tandis qu’une araignée entre mes bras se tisse

La toile où tôt cherront les pucerons impurs« 

« L’automne et l’écho » in « Le guetteur mélancolique »

Beautés vénéneuses

Chaque printemps, je tente d’apprivoiser le fond du jardin au bout de l’étang. Tout près de la forêt, dans un terrain qui n’aura d’autre arrosage que la pluie, la concurrence est rude avec les racines des grands arbres. Et c’est ainsi que cette année encore, mes plantations entre deux grands bouleaux ont disparu. C’étaient des géraniums vivaces et des anémones du Japon si je me souviens bien. Mais l’espace n’est pas perdu pour tout le monde…

Depuis plusieurs jours, nous avons une jolie plate-bande colorée d’amanites tue-mouches. L’amanita muscaria est vénéneuse mais elle ne prend pas le promeneur en traître : on ne peut la confondre avec aucun autre champignon.

Sous ses allures de créatures de Walt Disney, il paraît qu’elle fait le bonheur des amateurs de voyages hallucinatoires.

La belle saison

Peut-être l’avions-nous oublié : le vert est la plus précieuse des couleurs. Avec le retour de la pluie, le retour des beaux jours : parfums d’herbes mouillées et de champignons, couleurs qui se bousculent, fleurs qui s’ébouriffent d’impatience, murmures et grondements du ruisseau, cris du martin-pêcheur. Et… le brame, « l’haleine de la nuit ».

Dans la plaine Naît un bruit. C’est l’haleine De la nuit. Elle brame Comme une âme Qu’une flamme Toujours suit.

Les Djiins, Victor Hugo

Hibernation caniculaire ?

Signe qui ne trompe pas : Vosges Matin a revu sa page météo. Le graphique des températures s’est décalé de + 5 degrés. Depuis des semaines, la courbe sortait du cadre. Ainsi donc les 35 à 40 degrés sont devenus des « normales de saison » sous la ligne bleue des Vosges.

Nos épicéas n’y survivront pas. Les hydrangeas ‘Precioza’ et ‘Vanille fraise » non plus. D’autres, comme les chats et comme notre bel hydrangea ‘Koria’, sont passés en mode « économie d’énergie ».

D’autres sont franchement tombés en léthargie, comme en hibernation. Et quand la fraîcheur de la pluie les a réveillés, ils ont dû croire que c’était le printemps… A moins que notre rhododendron ne soit déjà en train de muter… Ou peut-être devrais-je l’appeler Cassandre : les jours étant comptés, aurait-il décidé de fleurir et refleurir au plus vite ?

Rhododendron en floraison d’automne

Bizarre, bizarre…

Des fleurs attendues au printemps qui fleurissent en été, d’autres qui disparaissent, dissoutes par les pluies et celles qui réapparaissent, ressuscitées par les pluies… . D’autres encore ont tant attendu leur heure qu’elles prennent des proportions inattendues…

Les cosmos, restés chétifs tout l’été, atteignent près de 2 mètres 50 de hauteur et leur floraison est bien décidée à résister aux petits matins frileux.

Des rhododendrons en fleurs (timides) dans le sous-bois, un hydrangéa qui donne sa première fleur en même temps que le rougissement de son feuillage, les lis de Guernesey qui se réveillent enfin…

Et les couleurs incomparables de l’automne. Sur fond d’ocres et de terra cota, le feuillage de l’hortensia bleu prend des nuances d’améthyste au violet profond.

Un dernier petit matin aux couleurs d’été indien…

Des mots pour voir

Pied fuseleux ou claviforme, chapeau cireux ou floconneux, lamelles adnées ou décurrentes… je reste fascinée par la richesse du lexique des mycologues. Une invitation à ouvrir les yeux pour bien nommer. Si le mot nous manque, serait-ce que nous n’avons jamais pris le temps de regarder la beauté de la nature ?

Les Japonais ont un mot pour nommer les rayons du soleil qui se dispersent à travers les feuilles des arbres : « komorebi ».

Ils pratiquent le « Shinrinyoku », le bain de forêt, pour trouver l’harmonie et la santé au contact des arbres. Son importation se traduit évidemment par le mot beaucoup moins poétique de « sylvothérapie ».

Le plus beau, le plus émouvant, le plus sage, « wabi-sabi » : la quête de la beauté dans les imperfections de la vie, dans l’impermanence de la création, le cycle naturel de croissance et de décroissance.

Patience, patience…

On les dit faciles à vivre, faciles à cultiver. Juste un peu de patience pour les voir fleurir en octobre, comme des cierges d’argent émergeant des feuilles mortes. Chez nous, il a fallu quatre ans de patience. Plantées à la mi-ombre du grand hêtre sur la pente qui mène à l’étang, elles n’ont donné que quelques feuilles chétives. Replantées il y a deux ans à l’ombre du tilleul en compagnie des astilbes, on les avait oubliées. Mais voilà qu’elles ont enfin fleuri ! Au bout de quatre ans de patience. Cadeau des pluies de l’année sans doute…

Cierge d’argent, Cimicifuga, Actaea matsumurae White Pearl 

Rouges et ors

Passons passons puisque tout passe

Je me retournerai souvent

Les souvenirs sont cors de chasse

Dont meurt le bruit parmi le vent

Guillaume Apollinaire

La plaine des Vosges a déjà pris les couleurs flamboyantes de l’automne. Dans notre jardin placé sous la protection de la forêt, les hêtres et les érables du jardin en sont encore aux premiers ors. Comme un cadre pour les rouges et les pourpres de la vigne vierge…

La tête haute

Cette fois, ils sont venus du Sud. La pluie, encore la pluie, et le vent. Le vent est tiède, la pluie est beaucoup moins douce. Les asters, les anaphalis, les anémones du Japon, toutes les vivaces qui portent haut leurs couleurs d’automne se retrouvent à genoux. Seuls les orpins gardent la tête haute. Mieux : ces succulentes, réputées apprécier la sécheresse, sont plus épanouies et colorées que jamais.

Les Asters novi-belgii ‘Schöne von Dietlikon’ se sont couchées sous la protection du cornouiller de Tartarie qui commence à rougir.

Parmi les asters géants d’automne, les Asters novi-belgii ‘laevis Calliope’, comme les ‘Schöne von Dietlikon’, résistent bien à l’oïdium mais pas au vent mouillé. La plantation d’arbustes coupe-vent a commencé.

Sauvées des eaux…