Auprès de votre arbre, vous avez été si heureux. Cher Claude, vous n’auriez pas dû le quitter des yeux. Et c’est pourtant à cet arrachement que nous devons notre bonheur d’aujourd’hui, le bonheur de vivre dans votre forêt. Votre souvenir est et restera présent dans tous les recoins du jardin. Les vannes que vous avez construites avec votre méticulosité d’ingénieur d’un temps révolu. Le vivier envahi par les herbes. Le matériel de pêche abandonné dans la grange qui nous évoque des dimanches à la campagne dignes de la Belle Epoque. Les portes que vous avez aménagées dans la clôture pour partir à la cueillette des cèpes et des girolles. Les mélodies improvisées au piano dont vous effleuriez si délicatement les touches… Et cette image, celle de votre dernière visite : assis sur le banc (que nous avons repeint en rouge, vous avez apprécié) au bout de l’étang, vous étiez mélancolique mais souriant, vous remémorant sans doute les années de travaux, d’entretien et les joyeuses parties de pêche.
Cela fait plusieurs jours que la pluie tombe en abondance. Depuis le Col des Clochettes, l’eau dévale la colline à travers les bois et entre à grand fracas dans l’étang.

Le ruisseau est passé au niveau « alerte rouge » : les chats se tiennent à carreau dans le périmètre de sécurité de la maison et on prie pour que les ligulaires, les rodgersias et les euphorbes résistent au courant.

Quand les flots se seront calmés, nous « ferons le ménage », nous éliminerons les branches cassées mais, pardon Claude, nous ne pouvons pas vous promettre de remettre chaque rocher « à sa place » comme vous le faisiez après chaque orage. Vous deviez être un Maître Zen sans le savoir. Dans cette voie de sagesse, nous vous promettons aussi de suivre votre trace.


















